23 février 1916
Moi qui voulais tant quitter mon horrible quotidien empli d’ennui, moi qui voulais tant me battre pour ma patrie, moi qui croyais tant que cela allait être si simple, moi qui ai fait une erreur…
Me voilà face à la terre de personne, pourquoi, je ne sais même plus. En moins de deux je suis passé d’un soldat courageux et valeureux à un soldat ayant les flubes.
J’ai bien peur de tomber digue-digue, les atrocités des combats me donnent des visions sordides de la triste espèce que nous sommes. Je n’arrive plus à savoir ce qui est bon ou mal pour moi.
26 février 1916
Mon état se dégrade au fil des plombs. Le froid est atroce, j’ai les pieds nickelés et je n’arrive plus à voir l’ennemi, les seules choses que je zieute sont des troufions avec la raquette à la main gauche et le flingue dans l’autre. Nos nippes sont couvertes de boue, nous trouillotons le cadavre, je n’ai jamais vu et senti cela de ma pauvre vie. Les grenadiers sautent de corps en corps et nous démangent. Chaque broquille dure des plombs, j’en ai la rame. Parfois, il m’arrive de regarder les abeilles voler sur le front et pénétrer la peau froide de mes camarades. Pourquoi vivre quand on sait qu’il est possible de se faire toucher en fraise rien qu’en bagottant dans les tranchées. Nous becquetons tellement peu que nous devenons épais comme des fils de fer.
1 mars 1916
Ma vie n’est plus qu’une misérable histoire. Bon nombre de poteaux que j’ai perdu, la plupart des soldats encore sur leurs fusains ne sont plus que des barbaques prêts à se faire bousiller. Il est impossible de dormir, dans le cimetière où nous sommes se trouve un boucan d’origine meurtrière. Lorsque les bombardements prennent le dessus sur les combats je m’arrête et j’écoute ces bruits atroces qui deviennent une musique avec le temps. Pour calmer nos douleurs mentales nous prenons parfois de la méthamphétamine, cela nous permet de nous échapper des combats dans les tranchades. Le pinard est un de nos coup de […]
12 mars 1916
Une machine de guerre m’a touché ! Ce maudit moulin à café a tiré droit sur moi, une de mes guibolles s’est pris des dizaines de balles. La douleur m’a fait monté au ciel, j’ai bien cru ne jamais en revenir. Mes braves gars m’ont embarqué dans le paquebot et m’ont aussitôt amputé cette satanée gambette gauche.
14 mars 1916
Nous ne sommes plus des hommes mais de vulgaires animaux qui se planquent pour se bousiller à coup de fourchette. La guerre n’est rien qu’un prétexte pour pouvoir causer la mort de milliers de gens. Je donnerais tout mon morlingue pour pouvoir mettre les voiles, quitter ce monde rempli de mal-faits. L’envie de monter au ciel du à ces combats est sans cesse dans ma cabèche. Mais avant d’en finir avec ce maudit monde je voudrais prendre une dernière sèche et poser mon pétoire sur la tempe et avoir la force d’appuyer sur la gâchette pour fermer les chasses à jamais…
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